Intelligence artificielle et gestion des risques : ce que les décideurs doivent savoir
Parmi les révolutions technologiques en cours, l’intelligence artificielle (IA) est sans doute celle qui provoque le plus d’enthousiasme… et d’inquiétude. Pour les décideurs, il est crucial de comprendre à la fois les risques que porte cette technologie et les opportunités concrètes qu’elle peut offrir à la gouvernance et à la stratégie d’entreprise. Deux formes d’IA se développent aujourd’hui : l’IA générative, capable de produire du contenu, et l’IA étroite, conçue pour exécuter des tâches précises à partir de données. Chacune présente des bénéfices spécifiques, mais aussi des zones de risque qui doivent être anticipées.
IA générative vs IA étroite : de quoi parle-t-on ?
L’IA étroite (narrow AI) désigne les systèmes capables d’exécuter une tâche définie à partir d’un jeu de données : classifier des images, détecter des anomalies comptables, évaluer un risque climatique, etc. Ces IA sont performantes, robustes (si les données le sont) mais limitées à leur domaine d’application.
L’IA générative, quant à elle, utilise des modèles statistiques avancés (comme GPT, DALL·E ou Bard) pour créer du contenu original : textes, images, sons, code informatique. Elle est plus fluide, plus accessible, mais aussi moins contrôlable, car elle peut “halluciner” des réponses ou produire du contenu non vérifié.
Le point commun à ces deux formes d’IA est qu’elles sont toutes deux basées sur des données, dont les modèles seront d’autant plus efficaces qu’ils respectent les 5 V de la donnée : Volume, Variété, Valeur, Véracité, Vitesse.
Risques de l’intelligence artificielle
A. Risques liés à l’IA générative
Catégorie de risque | Exemples concrets | Impact stratégique |
Fuite ou mésusage des données | Entraînement sur des documents confidentiels par un chatbot | Atteinte à la confidentialité, pertes commerciales |
Plagiat et propriété intellectuelle | Contenu généré sans traçabilité | Litiges juridiques, perte de réputation |
Hallucination / erreurs | Réponses fausses, biais culturels ou idéologiques | Décisions mal orientées |
Addiction technologique | Automatisation de tâches sans validation humaine | Perte d’esprit critique, dépendance à un outil tiers |
Biais amplifiés | Modèles entraînés sur des données discriminantes | Risques éthiques et sociaux accrus |
B. Risques liés à l’IA étroite
Catégorie de risque | Exemples concrets | Impact stratégique |
Mauvaise qualité de la donnée | Fausses détections, surajustement, alertes inutiles | Erreurs de décision, perte de confiance |
Cyber vulnérabilités | Utilisation mal sécurisée d’algorithmes de scoring ou détection | Exposition accrue aux attaques |
Risque de dépendance | Externalisation à des prestataires techniques (boîtes noires) | Diminution de l’autonomie stratégique |
Obsolescence des compétences internes | Déshumanisation de certaines fonctions (audit, logistique…) | Désengagement, déqualification |
Opportunités de l’IA dans le risk management et la gouvernance
A. IA générative : créativité, rapidité et scénarisation
- Création de scénarios de risque personnalisés : les IA génératives peuvent produire des analyses de type « what if ? », intégrant de multiples facteurs économiques, sociaux ou géopolitiques.
- Amélioration de la communication des risques : génération de synthèses, d’alertes compréhensibles pour tous les niveaux de gouvernance.
- Formation immersive : génération automatique de cas pratiques ou simulations pour la sensibilisation des équipes.
Exemple : chez Accor, l’IA générative est testée pour générer des FAQ internes, créer des visuels pour les hôtels, ou scénariser des crises cyber.
B. IA étroite : fiabilité, prévision, efficacité opérationnelle
- Détection automatisée des signaux faibles : grâce au machine learning, certaines anomalies (financières, environnementales, cyber) sont identifiées avant qu’elles ne deviennent critiques.
- Modélisation avancée des risques : corrélation entre variables, quantification d’impacts, analyse probabiliste en continu.
- Automatisation des tâches de contrôle : revue documentaire, conformité, suivi des engagements RSE.
Exemple : la création d’un algorithme de lecture et scoring automatiques de tous les rapports de Prévention Dommage aux biens, quelque soit l’assureur ou le courtier.
Conclusion
L’intelligence artificielle, qu’elle soit générative ou étroite, n’est ni une menace existentielle ni une solution miracle. Elle est un levier de transformation, à la condition d’en comprendre les ressorts techniques, les enjeux humains, les limites juridiques et les potentiels stratégiques. Pour les décideurs, cela suppose de sortir d’une posture défensive ou euphorique, et d’adopter une approche pragmatique, encadrée et résolument orientée vers la création de valeur.
Le principal risque d’une entreprise, c’est d’être disruptée par GPT sans l’avoir utilisé pour se réinventer.