Gouvernance et gestion des risques : l’heure de la transformation systémique
Dans un monde VUCA — Volatile, Incertain, Complexe et Ambigu — voire BANI — Fragile, Anxieux, Non-linéaire et Incompréhensible — la gouvernance ne peut plus se contenter d’un rôle de conformité. Elle doit (re)devenir un acteur stratégique de la gestion des risques, avec une vision à moyen et long terme, structurée, partagée, et résolument tournée vers l’anticipation.
Une gouvernance trop souvent en défaut
Les conseils d’administration peinent encore à s’emparer de leur mission de supervision des risques. Trop focalisés sur les exigences réglementaires, ils manquent souvent de vision systémique et d’ancrage terrain. Beaucoup d’administratrices et d’administrateurs s’appuient encore sur le seul ressenti du CEO, sans validation objective ni consolidation d’informations structurées.
Dans l’entreprise, la disparition des fonctions stratégiques centralisées n’a pas été compensée. Chacun se rêve stratège, mais les organisations fonctionnent souvent dans l’urgence, le pied au plancher, avec une vision trop court-termisme. Le système de gestion des risques — souvent lent, peu intégré, voir inexistant — peine dans sa réactivité, dans une agilité nécessaire face à la complexité actuelle.
Des risques de plus en plus systémiques
Les défis environnementaux, technologiques et géopolitiques redessinent la carte des risques : réchauffement climatique, effondrement de la biodiversité, crise de l’eau, omniprésence de la pollution, tensions croissantes sur les ressources critiques, ou encore basculement vers une intelligence artificielle structurante.
Ces risques sont systémiques, transverses, interconnectés. Les ignorer ou les sous-estimer met directement en péril la pérennité de l’entreprise : incapacité à se renouveler, perte de parts de marché, dégradation de la relation client, vulnérabilité face aux concurrents…
Repenser la gouvernance pour piloter le niveau de risques
Face à cela, le rôle du conseil est d’élever la gestion des risques au niveau stratégique. Cela signifie :
- Partager une vision de la prise de risque entre conseil, direction et actionnaires, on parle de Risk Appetite.
- Intégrer la ressource naturelle comme une composante finie. (Re)penser l’allocation des ressources humaines, technologiques, financières et naturelles à l’aune des grands enjeux.
- Objectiver la prise de risque : sortir du ressenti, intégrer des données fiables.
- Anticiper, éviter les impasses, intégrer la prospective dans les délibérations.
- Être alerté, voir rassuré, grâce à un système structuré et transparent.
Prendre des risques reste essentiel — c’est une condition de création de valeur — mais encore faut-il qu’ils soient préparés, compris, assumés.
Vers une gouvernance apprenante
Cela suppose une gouvernance en apprentissage continu. Les administrateurs doivent se former en permanence, s’ouvrir à des scénarios alternatifs (« What if? »), intégrer les travaux de recherche sur les mondes habitables, comme ceux menés par Thomas Gauthier à l’EM Lyon.
Enfin, le conseil doit exiger de l’entreprise une trajectoire d’amélioration continue de son système de gestion des risques. C’est un levier d’agilité autant que de résilience.
Gouverner aujourd’hui, c’est anticiper demain.